Manga ou pas Manga ? De façon à limiter les confusions et parce qu’il est probable que les mangas reviennent dans les articles suivant, je propose de lister quelques petits points sur ces petits livres qui occupent les petits yeux de silencieux lecteurs, le matin, une fois le métro venu. Il y a une définition américaine du manga et une définition japonaise. Dans la compréhension américaine il s’agit de regrouper sous un même nom les comics d’un certain type : ceux, hautement stylisés et idéalisés qui mettent en scènes des personnages aux yeux grands ouverts, aux yeux de biches. Le terme manga, est bien japonais, remonte bien à la nuit des temps, mais désigne sur l’archipel tout ce qui est comics, visant tous les publics (et pas seulement les post adolescents et pré-graphistes) et traitant de politique, de sexe, de graphisme ou s’articulant sur l’excitation nerveuse qu’une intrigue peut faire rebondir à l’infini. Cette divergence entre les deux pays est le résultat, pour l’auteur de mon petit manuel, de la forme qu’a pris l’importation de comics japonais aux Etats Unis. Importation partielle, définition partielle. Pas bête.
Ceci mis au clair, ce monsieur (Natsu Onoda Power), propose quelques petites distinctions afin de bien montrer que tout ça s’étage et se divise. En effet, la langue japonaise peut se permettre de jouer sur plusieurs alphabets, ce qui pousse bien sur tout chercheur un peu precis associer à jouer sur les referents. Tous les termes suivants veulent dire "manga", mais pas de la meme facon :
(1) [kanji ou idéogramme] 漫画 pour tout ce que l’histoire du manga compte d’avant la première guerre mondiale.
[hiragana] まんが
(2) [katakana] マンガ pour les mangas d’après la seconde guerre mondiale, ce qu’ils ont d’infailliblement moderne.
(3) [romaji ou transcription phonétique en alphabet roman] MANGA pour la veine américaine, l’alphabet roman étant celui utilisé dès qu’un occidental se met à parler manga.
Petit prêche linguistique. Mais déjà, les doigts se lèvent : « Monsieur c’est quoi hiragana ? », « Dites monsieur il faut l’apprendre la distinction pour le partiel ? », « Oui parce que franchement on s’en fout un peu non ? ». Un long sourire satisfait gagne le visage du professeur, qui s’enfonce tel un gros matou dans l’épaisseur chaude de son fauteuil, tourne, du bout du doigt, une nouvelle page et soupir… « mais mes petits amis, nous approchons justement du cœur du problème »….. « oooooooooooooooooooh », « aaaaaaaaaaaaaaaaaah ». Et ça repart. Ceci va nous mener à un point essentiel (donc), je veux dire pour ce qui est de se représenter la graphie japonaise, qui compte avec trois formes d’écriture. Ca devrait aller vite et être efficace. Et puis nous parlerons des memes choses par la suite...
…Extérieur, jour, VI-VIIIème siècle, Chine, dynastie des T’ang. La prospérité et l’avance technologique de la Chine sont incontestables et l’influence de l’empire du milieu sur l’empire d’à côté commence à se faire sentir (adoption officielle du bouddhisme sur l’archipel, missions de productivité envoyées sur le continent). Ce qui est l’occasion de nombreuses réformes : institutionnelles (organisations wébériennes et hiérarchies au sein de l’Etat) et architecturales (plan en damier dans la capitale de l’époque : Nara). Passons, ce qui nous intéresse ici c’est la langue et ça tombe assez bien puisque c’est là que l’influence chinoise est la plus raisonnablement et la plus couramment qualifiée de spectaculaire. Deux raisons : les japonais y trouvent le moyen de transcrire leur langue sous une forme écrite et, mettent joyeusement au monde un monstre linguistique pour des siecles et des siecles.
Oui, le japonais était, jusque là, une langue, presque exclusivement orale, de structure phonétique simple (composée de sons bêtes du genre ka, ga, ki, su, te, ri) et agglutinante (pour faire une phrase on met bout à bout les différents ingrédients). Le chinois, est au contraire une langue monosyllabique et les différents accents (montants, descendants…) font le sens, ce qui justifiait l’usage d’idéogrammes qui condensent le son et le sens en un seul caractère... Cependant, la cour nippone, en voulant importer le prestige d’à côté adoptent la forme sous laquelle il s’écrit dans l’histoire : les idéogrammes. De sorte qu’au sein de la langue japonaise, l’oral ne bouge pas alors que le code écrit qui le supporte est étroitement associé à une logique linguistique complètement différente. Aberrant.
Aux alentours du IXème siècle le Japon s’éloigne un peu de la Chine, la capitale change (de Nara à Heian), et la pratique de l’écriture jointe à son inadaptation conduisent à une simplification partielle de l’ensemble. Deux autres alphabets voient pleinement le jour : les kanas. Chacune de ces innovations linguistiques couvre, à sa manière, l’ensemble des 80 sons (simples) qui existent en japonais depuis le tout debut. Les hira-ganas, qui sont une forme simplifiée des kanji (idéogrammes) et les kata-kanas qui sont eux, une partie seulement d’un kanji (plus facile pour les moines bouddhistes de gribouiller dans la marge d’un manuscrit).
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奴
…se simplifie en hiragana : ぬ
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Chaque phrase pourrait donc être transcrite intégralement en hiragana ou katakana (puisque tous les sons sont assumés par ses alphabets) mais du fait de l’existence des kanjis, les trois alphabets juxtaposent leurs caractères au sein d’une même phrase. les Katakanas servent principalement pour figurer les onomatopées (plache n°1 : Osamu Tezuka fait une apparition dans son propre manga) et les mots importés de l’anglais (ko-hi pour café, me-tu-ro et surtout bi-gu-ma-ku pour Big Mac). Les hiraganas servent, en gros, pour toute la grammaire qui ne concerne pas immédiatement le radical (en kanji) : voir planche n°2.
C'est la toute fin, l’extase. Les derniers paragraphes remontent doucement en vous et, comme un noyé qui revient à lui … Puisque, le japonais est polysyllabique, qu’il est susceptible d’apparaître sous différentes formes, c’est à dire que les alphabets peuvent non seulement coexister mais se substituer les un aux autres on peut jouer sur les mots et donc écrire « manga » sous trois (ou quatre) formes différentes. Eh oui.
Ce premier article doit beaucoup à une suggestion de Pierre Alain. - remonter à la source -
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